La culture du champ et du blé Mancini

Cet article fait partie de la série consacrée à Pasta Mancini suite à nos nombreuses visites sur place, dont celle de Mathieu en mai 2022. Pour accéder directement à l’article sur la production de pâtes, cliquez ici.

Jeux d’ombres sur les champs vallonnés de Pasta Mancini

La culture du champ

Nous avons passé beaucoup de temps à arpenter les champs de Massimo. Pas tous, il y a plus de 800 hectares de terre à leur disposition (une petite partie en propriété, l’autre en location). Cela a été l’occasion de bien nous expliquer la particularité de leur travail et le soin qu’ils apportent à cultiver leur terre.

Mais avant ça petit retour en arrière : la famille de Massimo est productrice de blé depuis les années 40, ils cultivaient leur blé et le revendaient ensuite à des coopératives qui se chargeaient de le transformer ou de le revendre.

Massimo est le premier à avoir eu l’idée de créer une filière intégrée en transformant eux-mêmes leur blé en pâtes, en 2002. Alors bien sûr Massimo ne venait pas de nulle part : il avait étudié l’agronomie, s’était formé dans un pastificio (producteur de pâtes) et sa famille lui avait transmis la culture de la terre.

Le projet porté par Massimo Mancini est justement de partir du blé et non de la production et pour cette raison il a eu l’idée d’installer son pastificio au milieu de ses champs

Le tracteur du grand-père Mariano

Pourquoi Pasta Mancini n’est pas à Gragnano mais au milieu de ses champs dans les Marche

Il est important d’apporter ici une précision géographique, car beaucoup de personnes ont en tête Gragnano, du nom de l’appellation géographique qui protège la production de pâtes, artisanales ou industrielles, dans cette petite ville à côté de Naples. Les pastifici qui se trouvent à Gragnano utilisent un blé qui ne vient pas de leur région, la Campanie, mais principalement du centre de l’Italie et des Pouilles.

Pour situer la région des Marche

Le projet porté par Massimo Mancini est justement de partir du blé et non de la production de pâtes, et pour cette raison il a eu l’idée d’installer son pastificio au milieu de ses champs, afin d’avoir une filière courte, efficace, et durable grâce aux économies d’énergies (moins de transport, une équipe réunie sur le même site…).


Blé tendre vs blé dur, farine vs semoule

Petite précision utile pour découvrir la culture du blé : nous parlons ici de la culture du blé dur, en opposition avec le blé tendre. Le blé dur est le seul que l’on a droit d’utiliser légalement pour la production des pâtes, en Italie comme en France*.

Récolte du blé dur chez Pasta Mancini

Le blé dur a comme son nom l’indique les grains plus durs que le blé tendre. De ce fait les usages ne sont pas les mêmes : le blé dur va principalement servir à la production de pâtes, couscous, boulghour, tandis que le blé tendre va être utilisé en farine pour la panification, la pâtisserie, la pizza. Le blé dur contient beaucoup plus de protéines et de gluten que le blé tendre.

Pour information : on parle de farine pour le blé tendre et de semoule pour le blé dur car après broyage la taille des particules sont beaucoup plus fines pour le blé tendre que pour le blé dur qui reste granuleux.

La culture du blé dur nécessite un climat chaud et sec, ce qui fait de l’Italie le 1er producteur européen et le 2ème production mondial de blé dur. A contrario, le blé tendre suppose un climat plus humide qui fait de la France le 1er producteur européen et le 5ème producteur mondial de blé

Classement des pays producteurs de blé dur

Nourrir la terre d’une certaine manière

Revenons dans les Marche chez Pasta Mancini. La production du blé pose un problème majeur : elle appauvrit fortement les sols en absorbant les nutriments présents dans la terre pour favoriser sa croissance. Il y a deux manières de régénérer les sols : artificiellement en apportant des engrais en quantité, ou naturellement en cultivant des variétés qui revitalisent les sols, en particulier les légumineuses.

C’est la manière naturelle qu’a choisi Pasta Mancini pour régénérer ses sols, selon le principe de la rotation des cultures : à une année de culture du blé succède une année de mise au repos du sol puis une année de culture de légumineuses, trèfle, lupin… en particulier celles qui permettent de fixer des engrais naturels dans le sol. Ce sont des cycles de 6 ans, comme le dessin ci-dessous l’indique et que je vous traduis succinctement :

Année 1 : Blé

Année 2 : Légumineuses

Année 3 : Blé

Année 4 : Légumineuses

Année 5 : Blé

Année 6 : Production de cultures de couverture (cover crops) qui n’ont pas pour objectif d’être récoltées mais simplement de protéger le champ et de le renforcer en gardant les micro-organismes actifs entre deux récoltes. Du tournesol est planté dans la foulée pour bien préparer le début du prochain cycle : c’est une production qui demande peu d’eau, laisse peu de résidus, le sol est sec et le rendement supplémentaire pour le blé qui suivra est en moyenne 15% supérieur à une production de blé deux années de suite. On dit à ce titre que que c’est une tête de rotation (des cultures), coltura di rinnovo en italien.

Calendrier de rotation des cultures chez Pasta Mancini

J’ai demandé à Massimo et son agronome Paolo de mieux m’expliquer le fonctionnement de ces plantes qui enrichissent le sol. Je craignais que ce soit technique et compliqué, mais en fait c’est très simple à comprendre, du moins le principe ! Tout tient autour d’un mot, que je découvrais : le rhizobium. Derrière ce mot compliqué qui pourra vous faire gagner au Scrabble se cache une réalité beaucoup plus simple : la plupart des légumineuses possèdent dans leur racine des boules (appelées nodosités) qui renferment des bactéries, les rhizobium. Ces bactéries ont le grand mérite de capter l’azote présent dans l’air et de le fixer dans la plante, au niveau de la racine, dans ces fameuses nodosités comme nous le montre Massimo sur la photo ci-dessous.

L’azote est un des éléments les plus importants pour la croissance des végétaux, et à ce titre tout ce qui peut permettre d’utiliser de l’azote naturel plutôt que des substituts chimiques nocifs pour l’environnement sont évidemment privilégiés ici**. Ces légumineuses et autres trèfles ou lupins ont aussi l’avantage avec leurs racines profondes de drainer les sols.

Les nodosités des légumineuses qui captent le rhizobium

De manière plus générale la qualité des sols est un enjeu majeur pour les années à venir car une terre mieux nourrie donne bien sûr des productions plus qualitatives, protéiques, mais aussi plus de rendements, or ce sera vital pour permettre de répondre à l’augmentation de la population mondiale qu’il faudra nourrir.

(Digression 😉) A ce titre je suis avec beaucoup d’intérêt la démarche de Quentin Sannié et son équipe de GreenBack – Genesis, qui vise à créer une agence de notation des sols qui permettrait de créer un référenciel commun et permettra de mieux valoriser les terres de qualité

Précision : Pasta Mancini s’est engagé dans la démarche de certification « Bonnes Pratiques Agricoles » qui permet un usage très réduit et ciblé de produits phytosanitaires si nécessaire, à la condition d’avoir la garantie de 0 résidu sur le produit final. Les analyses de la dernière récolte de blé Mancini attestant du 0 résidu sont même disponibles en un clic ici.


Le climat exceptionnel des Marche pour la culture du blé

La région des Marche (les Marches en français), où se trouve Pasta Mancini, a la particularité d’être bordée par la chaîne de montagnes des Apennins à l’Ouest, et la mer Adriatique à l’est, la distance entre les deux étant de seulement 70 km. Les montagnes protègent les champs des courants froids occidentaux et au contraire la proximité avec la mer créé des courants d’air favorables permettant une meilleure croissance du blé. Enfin la région est très vallonnée comme vous pouvez le voir sur les photos, et c’est un autre avantage pour la croissance du blé.


L’assemblage du blé à la manière d’un vin

Après la moisson en juillet, le blé est stocké dans un entrepôt à température contrôlée à 18°, ce qui permet d’éviter la prolifération d’insectes ou de moisissures, sans avoir recours à des produits chimiques.

Ensuite est effectué l’assemblage des différentes variétés de blé, le blend. Massimo aime présenter son travail à l’image de ce qui se fait pour le vin : d’abord le travail de la matière première puis l’assemblage pour créer un millésime unique chaque année. Toujours en toute transparence, Pasta Mancini propose même de découvrir sur la carte quels sont les zones de la culture de ses différentes variétés de blé : https://www.pastamancini.com/filosofia-produttiva/gestione-dei-campi/

Une fois le blend créé, vient le moment de la mouture, c’est-à-dire de la transformation du grain de blé en semoule, dernière étape avant de passer au pastificio,

La sélection et l’assemblage, tout un art !

Chez Ciao Gusto, nous sélectionnons nous-mêmes sur place en Italie les petits producteurs qui ont les pieds sur la terre et les mains dedans. Du bon, du beau et du naturel à partager en famille ou entre amis, à cuisiner simplement à la maison et à déguster dans la bonne humeur…à l’italienne ! Pâtes, huiles d’olive, panettone, vins : retrouvez et commandez toute notre sélection sur www.ciao-gusto.com



Références et liens à consulter

*C’est un peu surprenant mais en faisant des recherches à ce sujet j’ai découvert que la production de pâtes faites en France impose l’utilisation du blé dur, en revanche il est autorisé de vendre des pâtes au blé tendre (moins qualitatives) si elle sont produites dans l’Union Européenne…et oui, cela fait partie de l’harmonisation (malheureusement par le bas dans ce cas) des règles européennes, cela a même donné lieu à une question d’un député que vous pouvez consulter ici : https://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-25619QE.htm

**https://www.franceinter.fr/emissions/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-09-mars-2021

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000520931/

En savoir plus sur la culture du blé dur en France : https://www.arvalis-infos.fr/du-ble-dur-aux-p-tes-une-histoire-tres-recente-en-france-@/view-26765-arvarticle.html

Sur le marché du blé dur : https://www.perspectives-agricoles.com/file/galleryelement/pj/a3/37/fd/29/446_7098265681126407012.pdf

Différences blés durs & Blés tendres https://histoiredepates.net/2013/07/05/ble-tendre-ble-dur/

Source chiffres : https://publications.passioncereales.fr/dossier-thematique/le-march%C3%A9-des-c%C3%A9r%C3%A9ales-fran%C3%A7aises

Le saviez-vous : le blé a le grand mérite de ne pas avoir besoin d’être arrosé, sauf sécheresse exceptionnelle. Ce que craint le plus le blé : la grêle !

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